L'évolution politique de la Vè République

Cette leçon est la partie A du chapitre La France sous la Vè République.

Voir la partie B: Le femmes dans la société française.

La Vè République est née e 1958 de la crise algérienne et de l'instabilité ministérielle de la IVè République. Charles de Gaulle a joué un rôle capital dans sa mise en place. La constitution voulue par de Gaulle, pour éviter les fragilités du régime précédent, accorde une grande importance à l'exécutif (représenté par le Président et les ministres) au détriment du législatif (représenté par le Parlement: Assemblée nationale et Sénat).

 

Le scrutin uninominal à deux tours aux élections législatives et l'élection du Président de la République au suffrage universel direct ont contribué sous la Vè République à une bipolarisation (=la division en deux pôles opposés) de la vie politique: à droite, les gaullistes et leurs héritiers (RPR, UMP) affrontent la gauche socialiste et ses alliés de circonstance (parti communiste, parti écologiste des Verts). La vie politique est rythmée par l'alternance : droite et gauche se succèdent au pouvoir.

 

Les évolutions économiques et sociales liées à la crise économique qui s'installe à partir de la fin des années 1960, la fin du plein emploi et le développement du chômage ont néanmoins obligé les gouvernements à des politiques économiques et sociales qui ont brouillé et rendu moins claires les frontières entre la droite (l'UMP, Union pour un mouvement populaire, devenu en 2015 les Républicains) et la gauche (PS). Ce brouillage des frontières se traduit, depuis les années 1980, par une crise de la représentativité: les électeurs se sentent de moins en moins représentés par leurs élus et tendent à se détourner de la scène politique traditionnelle.

De Gaulle aux commandes : du renforcement de l'exécutif à la présidentialisation

La Vè République est née dans le contexte de la crise algérienne (voir la leçon sur la guerre d'Algérie) et de l'instabilité ministérielle qui l'accompagne (en 13 années d'existence, entre 1946 et 1958, la IVè République a vu se succéder 22 Présidents du Conseil. La Vè République, depuis 1958, en 58 ans d'existence, a connu 38 gouvernements différents).

 

Devenu Président du Conseil (le Président du Conseil dirige le Conseil des ministres), Charles de Gaulle obtient du Parlement le pouvoir de faire rédiger une nouvelle constitution.Cette nouvelle constitution propose un régime très différent de celui de la IVè République.

 

La IVè République était un régime parlementaire : le législatif avait un pouvoir très important sur l'exécutif. L'Assemblée nationale renversait régulièrement le gouvernement et le Président de la République était un personnage secondaire. 

 

Entre 1958 et 1962, Charles de Gaulle met en place un nouveau régime qui renforce l'exécutif et fait du président de la République le personnage le plus important de la vie politique. 

Une nouvelle constitution au service d'un renforcement de l'exécutif

La nouvelle constitution est présentée en grande pompe, place de la République, le 4 septembre 1958. Son approbation est soumise a référendum.

 

Lors de la présentation, de Gaulle insiste sur la nécessité de donner plus de stabilité au pouvoir exécutif tout en le laissant sous le contrôle du pouvoir législatif.

 

 Cliquez sur l'image pour voir un extrait du discours de Charles de Gaulle le 4 septembre 1958.

Le référendum, fin septembre, donne une très large majorité au oui (79.25%).

Les nouvelles institutions donnent un pouvoir très important à l'exécutif tout en conservant à la nouvelle république une dimension de régime parlementaire (le gouvernement est responsable devant l’Assemblée).

 

La constitution de la Vè République

Les institutions de la Vè République aujourdhui. By Mandrak/Wikimedia [Public Domain]
Les institutions de la Vè République aujourdhui. By Mandrak/Wikimedia [Public Domain]

Le président de la République est le personnage le plus important :

-Il est élu pour 7 ans par un collège électoral élargi d’environ 80 000 personnes (députés, sénateurs, conseillers généraux, représentants des conseils municipaux).

-Il nomme le Premier ministre et les ministres (sur proposition du Premier ministre), il a le droit de dissoudre l’Assemblée nationale, il a le droit d’utiliser le référendum sur les questions d’organisation des pouvoirs publics.

-L’article 16 lui confère des pouvoirs très importants en cas de menace sur les institutions, sur l’indépendance de la nation ou l’intégrité du territoire.

 

Le conseil des ministres est à la fois responsable et indépendant face à l’Assemblée

nationale:

-Il est responsable devant la Chambre, qui peut le renverser.

-Son pouvoir est renforcé par l’article 49-3 : il peut faire adopter un texte sans vote du Parlement. Le gouvernement Manuel Valls, sous le mandat présidentiel de François Hollande, a eu recours l'article 49.3 pour faire passer des projets de loi qu'il savait impopulaire, y compris dans son camp (voit sur ce site l'article "Utiliser l'article 49-3 pour faire passer un projet de loi sans vote", 18/02/2015, mis à jour le 11/05/2016).

-Les fonctions de ministre et de député sont incompatibles, ce qui renforce l’indépendance du gouvernement.

 

Le Parlement voit son pouvoir réduit :

-L’Assemblée nationale, élue pour 5 ans, ne siège plus en permanence : sont mises en place des sessions parlementaires.

-C’est le gouvernement qui fixe l’ordre du jour

-Le sénat est élu pour 9 ans et renouvelable d’1/3 tous les trois ans. Il confirme le vote des lois, mais c’est l’Assemblée qui a le dernier mot.

 

Une nouveauté : le Conseil constitutionnel :

-Il est inspiré du modèle de la Cour suprême des EU.

-Il est composé de 9 membres nommés par le président de la République et les deux présidents du Parlement. Les anciens présidents y siègent de droit.

-Son rôle est d’entériner la régularité des élections et de veiller à la constitutionnalité des lois.

Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours

Le mode de scrutin des élections législatives de la Vè République, le scrutin majoritaire uninominal à deux tours, tend à bipolariser la vie politique et contribue à la stabilité de l'exécutif. En effet, dans ce type de scrutin, seuls les deux partis les plus importants arrivent à faire élire leurs candidats. Les partis moins importants, pour se donner une chance  d'influencer la vie politique, sont obligés de s'allier aux deux grands partis. Le choix de ce type de scrutin avait pour objectif d'empêcher l'Assemblée nationale d'éclater en de multiples partis incapables de trouver une ligne politique stable.

 

L'alternance politique signifie la possibilité pour l'opposition d'accéder, grâce aux élections, à l'exercice du pouvoir. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, par la bipolarisation qu'il favorise, est un élément essentiel dans l'alternance politique entre les deux forces dominantes que sont le parti socialiste à gauche et les partis héritiers du gaullisme (l'UMP/les Républicains étant les derniers en date) à droite. Il est donc un élément de stabilité de la vie politique. Mais une telle alternance, par son aspect systématique, peut produire chez les électeurs l'impression de ne pas avoir le choix et que ce sont toujours les mêmes qui gouvernent. 

 

La seule élection législative à la proportionnelle (dans laquelle chaque parti est représenté en fonction de son nombre de voix) est celle de 1986. Elle porte 35 élus du Front national à l'Assemblée. En 1988, l'élection suivante (après dissolution de l'Assemblée) est au scrutin uninominal à deux tours. Il n'y a plus de députés Front national.

Le renforcement du pouvoir présidentiel et la présidentialisation de la pratique du pouvoir

Les élections de la fin 1958 donnent le pouvoir aux gaullistes (soutiens de Charles de Gaulle) et portent Charles de Gaulle à la présidence de la République. 

 

En septembre 1962, de Gaulle décide de demander aux Français, par référendum, une révision de la constitution pour permettre l'élection du président de la République au suffrage universel direct. Cette réforme se situe dans un contexte tendu: le Président de la République a été victime d'un attentat organisé par l'OAS (l'attentat du Petit Clamart, qui a lieu fin août 1962). De Gaulle s'appuie sur cette tension pour demander aux Français de modifier les règles de l'élection présidentielle alors que l'ensemble de la classe politique s'y oppose.

62% des Français votent oui et l'élection présidentielle de 1965 est la première à se dérouler au suffrage universel direct. De Gaulle est réélu. Il restera au pouvoir jusqu'à sa démission en 1969.

 

Pendant ses 10 années au pouvoir (de mai 1958 à mai 1969), De Gaulle instaure une pratique présidentielle du pouvoir:

-Cette politique est facilitée par le problème algérien: de Gaulle impose sa volonté à ses ministres, y compris quand ils sont favorables à l'Algérie française (comme Michel Debré, Premier ministre entre 1959 et 1962).

-De Gaulle se définit un « domaine réservé », qui est soustrait à la compétence du gouvernement et dont il s'occupe seul : diplomatie, défense, Algérie, coopération avec les anciennes colonies, toute question jugée importante à un certain moment.

-De Gaulle s’entoure de conseillers et d’experts: c'est une manière de dire que le gouvernement de la France n'est pas seulement une question politique (une question de lutte entre opinions opposées) mais de compétence technique.

-De Gaulle tire profit de toutes les possibilités qu’offre la constitution d’augmenter son pouvoir : il légifère par ordonnances après la semaine des barricades (fin janvier 1960), il utilise les pleins pouvoirs (art. 16) pendant 5 mois après le putsch des généraux (22 avril 1961).

-De Gaulle instaure une relation directe entre lui et les Français, au-dessus des partis politiques: ils fait de nombreux voyages en provinces et pratique les bains de foule; il multiplie les allocutions radiotélévisées et les conférences de presse.

-Le référendum, par lequel le président s'adresse directement aux citoyens, lui permet de passer au-dessus des règles de la vie politique et de relier sa politique à sa propre personne. Lors du référendum de 1962, de Gaulle, tout en appelant les Français à voter oui, menace de démissionner en cas de non. En 1969, c'est à la suite du non majoritaire à son référendum sur la réforme du Sénat et des régions qu'il décide de démissionner. L'utilisation du référendum est une spécificité de la Vè République, introduite par de Gaulle malgré la méfiance de la classe politique. En effet, le référendum, par lequel le pouvoir s'adresse directement aux citoyens, rappelle les pratiques autoritaires du Premier et du Second Empire, avec le recours au plébiscite. [Pour en savoir plus, cliquez ici pour voir le dossier consacré au référendum sur Vie-publique.fr.]

 

La popularité de Charles de Gaulle s'appuie sur une politique ambitieuse :

-Il mène une politique extérieure d'indépendance à l'égard des Etats-Unis et de la CEE (ancêtre de l'Union européenne, dont la France est un membre fondateur en 1957).

-S'appuyant sur une conjoncture économique favorable et sur la CEE (communauté économique européenne, qui précède l'Union européenne), il développe l'industrie et l'agriculture et modernise la société. La France, au début des années 1960, a le second taux de croissance économique le plus important du monde, après le Japon. 

 

Les gaullistes (partisans de de Gaulle) dominent la scène politique pendant les années 1960 et le début des années 1970. Face à eux, la seule force politique importante, bien qu'affaiblie, est le PCF (Parti communiste français), qui obtient 20% des voix aux élections. 

 

Cliquez sur l'image pour voir de Gaulle en voyage présidentiel dans le Nord en 1959.

La fin du gaullisme et l'avènement de nouvelle forces politiques

La crise du modèle gaullien

Le pouvoir gaullien commence à s'effilocher dès le milieu des années 1960, dans un contexte de ralentissement économique, même si les gaullistes, qui restent malgré tout la force politique dominante. C'est la crise de Mai 1968 qui va mettre fin à la décennie gaulliste. Celle-ci s'inscrit dans une tension sociale et culturelle liée à la fois à la croissance économique et à l'accession croissante des jeunes issus du baby boom (vague de natalité qui suit la fin de la Seconde Guerre mondiale) à l'instruction. Cette tension n'est pas spécifiquement française: elle s’exprime dans un mouvement étudiant qui touche tout l'Occident. 

 

Les élections de juin 1968, provoquées par la dissolution, décidée par de Gaulle, de l'Assemblée, aboutissent à une victoire très nette des gaullistes, qui ont la majorité absolue. C’est leur meilleur score depuis le début des années 1960. Ces résultats s’expliquent par la peur de l’électorat. Les partis de gauche ont été assimilés aux « révolutionnaires » (c’est-à-dire aux étudiants gauchistes). [Mai 1968 n'est pas au programme, mais si vous voulez en savoir plus, cliquez ici]

 

Mais en avril 1969, de Gaulle propose un référendum portant sur la réforme du Sénat et des régions. L’idée provoque une opposition générale, à gauche, au centre et chez les gaullistes. Le non l’emporte (53%), DG démissionne le 28 avril 1969 et meurt le 9 novembre 1970.

Georges Pompidou en 1969. By Eric Koch/Anefo/Nationaal Archief/Wikicommons [CC BY-SA 3.0]
Georges Pompidou en 1969. By Eric Koch/Anefo/Nationaal Archief/Wikicommons [CC BY-SA 3.0]

Après une période d'intérim (période qui sépare le départ prématuré d'un Président de la République de l'élection du suivant), c'est le Premier ministre de de Gaulle, Georges Pompidou, qui est élu président. Son mandat (1969-1974) est essentiellement consacré à la poursuite de la modernisation économique et sociale. Il s'achève prématurément lorsque Georges Pompidou meurt d'une leucémie. 

Valéry Giscard d'Estaing: le centre libéral aux commandes

Pendant le mandat de Georges Pompidou, les partis adversaires des gaullistes se sont renforcés:

-La SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière), devenue le PS (parti socialiste), dirigée par François Miterrand, se rapproche du PCF (parti communiste)

-Au centre de l'échiquier politique, les Républicains indépendants (RI), menés par Valéry Giscard d'Estaing, se placent à la gauche des gaullistes. 

Valéry Giscard d'Estaing en 1978 [Public Domain]
Valéry Giscard d'Estaing en 1978 [Public Domain]

A l'élection présidentielle de 1974, c'est François Mitterrand qui mène au premier tour, avec des revendications favorables au salariés dans une France en pleine crise économique: il veut "répartir plus justement les fruits de l'effort national" (=les richesses). Mais Valéry Giscard d'Estaing bénéficie au second tour du report des voix de l'autre candidat de droite (Jacques Chaban-Delmas, ancien Premier ministre de Georges Pompidou) et est élu Président de la République. 

 

Dans la vidéo ci-dessous, tirée du débat entre les deux candidats, on voit bien les barrières idéologiques entre la droite et la gauche. La gauche place traditionnellement au sommer de ses préoccupations le développement social des catégories défavorisées et le partage des richesses. François Mitterrand reproche à la croissance économique que la France connaît depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale de manquer de "coeur" et d'"humanité". La droite donne la priorité à la croissance économique et à la possibilité d'enrichissement des individus les plus entreprenants économiquement. Valéry Giscard-d'Estaing refuse à François Mitterrand le "monopole du coeur". Il lui dit qu'il n'y a pas que la gauche socialiste et communiste qui est capable de tenir compte des besoins des catégories défavorisées. Il propose à la fois du changement, plus de justice et de la croissance économique. 

Les principales réformes de Giscard d'Estaing consistent en une libéralisation de la société: 

-Un ministère de la condition féminine est créé et confié à la journaliste Françoise Giroud.

-La majorité, civile et électorale, est portée à 18 ans au lieu de 21.

-Le divorce par consentement mutuel est mis en place.

-Loi Veil rend légale l’IVG (interruption volontaire de grossesse).

 

Cliquez sur l'image pour voir une vidéo montrant les réactions des jeunes français à la nouvelle loi sur la majorité.

Le mandat de Valéry Giscard d'Estaing voit néanmoins la France s'enfoncer dans la crise économique. En effet, dès les fin des années 1960, on assiste à un ralentissement de la croissance, qui s'accentue fortement dans les années 1970, avec une forte augmentation du chômage.

 

En 1981, Giscard d'Estaing est vaincu à l'élection présidentielle par François Mitterrand. C'est la fin d'une période de 23 ans de gouvernement de droite en France.

L'arrivée de la gauche au pouvoir : de l'alternance à la découverte de la cohabitation

1981 : la gauche au pouvoir: espoirs et premières déceptions

François Mitterrand en 1984. [Public Domain]
François Mitterrand en 1984. [Public Domain]

Mitterrand, opposant de la première heure à la constitution de la Vè République puis à l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct, ne cherche pas à modifier des institutions qui fonctionnent depuis 30 ans. 

 

Le slogan électoral de Mitterrand en 1981 est "la force tranquille". Il s'agit de rassurer les Français: la gauche veut le changement, pas la révolution.

 

Arrivé au pouvoir, il tient ses promesses économiques et sociales:

-Afin de lutter contre le chômage, les socialistes nationalisent les entreprises en difficulté.

-Le SMIC et les prestations sociales sont augmentés.

-Le temps de travail est abaissé à 39 heures et les salariés se voient accorder une 5è semaine de congés payés.

-L'âge de la retraite est abaissé à 60 ans.

 

Mais d'autres réformes historiques sont également réalisées: abolition de la peine de mort, dépénalisation de l'homosexualité.

 

Enfin, en 1982, la loi Deferre (du nom du ministre de l'Intérieur Gaston Deferre) instaure la décentralisation administrative: l'Etat abandonne une partie de ses pouvoirs au profit des collectivités territoriales, régions, départements et communes. Le préfet, représentant du pouvoir de l'Etat central, perd son pouvoir de tutelle (il ne contrôle plus les décisions des collectivités).

 

Mais les socialistes sont rattrapés par la crise économique. Ils sont obligés de prendre des mesures impopulaires de rigueur économique (diminution des dépenses de l'Etat, blocage des salaires). Les élections législatives de 1986 donnent la majorité à la droite à l'Assemblée nationale. La conséquence est la première cohabitation.  

Cohabitations

La cohabitation est un imprévu des institutions. Le mandat présidentiel étant plus long (7 ans) que celui de l'Assemblée (5 ans), il peut arriver que la majorité à l'Assemblée ne représente pas la même tendance politique que celle du Président de la République. C'est ce qui s'est produit en 1986, lorsque Jacques Chirac, gaulliste et ancien Premier ministre de Giscard d'Estaing, devient Premier ministre de François Mitterrand. 

 

Cliquez sur l'image pour voir un extrait du journal télévisé consacré à la première réunion du conseil des ministres de cohabitation. Mitterrand, seul socialiste, est entouré de ministres de droite. Jacques Chirac, en face, savoure sa victoire. L'ambiance est extrêmement tendue. 

 

Les contemporains ont craint que la cohabitation, en divisant l'exécutif, n'aboutisse à un blocage des institutions. En réalité, elle a seulement conduit le Président de la République à centrer son rôle sur son domaine réservé, les affaires étrangères et la défense, tandis que le Premier ministre a conduit les affaires de la nation. Mais surtout, dans un contexte de difficultés économiques persistantes, c'est la gauche qui tire parti de la première cohabitation puisque Mitterrand est réélu en 1988.

 

Evénement vécu comme à la fois absurde et unique en 1986, la cohabitation s'est reproduite deux fois. En tout, la Vè République a en effet connu trois cohabitations d'une dizaine d'années en tout:

-Mitterrand (gauche)/Chirac (droite): 1986-88

-Mitterrand (gauche)/Edouard Balladur (droite): 1993-95

-Chirac (droite)/Lionnel Jospin (gauche): 1997-2002. 

 

Le retour durable de la droite

Malgré de nouvelles mesures sociales (revenu minimum d'insertion financé à partir des recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune), le second septennat de Mitterrand, encore marqué par la rigueur économique, voit s'effriter la popularité des socialistes. 

 

En 1995, l'élection à la Présidence de la République ouvre une période de 17 ans de gouvernement de la droite (entrecoupée par une cohabitation).

 

Se succèdent au pouvoir:

-Jacques Chirac (1995-2002 puis 2002-2007)

-Nicolas Sarkozy (2007-2012).

 

Les principales réalisations de la droite sont la mise en place en 2002 du quinquennat (le mandat présidentiel est ramené à 5 ans pour éviter les situations de cohabitation) et la poursuite de la décentralisation. En 2003, l'Acte II de la décentralisation voit le renforcement du transfert des pouvoirs de l'Etat central aux collectivités territoriales, mais surtout, la décentralisation est inscrite dans la constitution de la Vè République.

 

 En 2012, l'élection de François Hollande ramène la gauche au pouvoir.

Les grandes évolutions de la vie politique depuis les années 1980

Dans les années 1980, la vie politique connaît de profondes modifications : tendance à l'atténuation des frontières idéologiques gauche/droite, recentrage de la vie politique sur des questions culturelles et morales au détriment des débats économiques et sociaux, avec pour conséquence une montrée des comportement politiques déviants: abstentionnisme et vote protestataire.  

Effacement des frontières gauche/droite

Les années 1980 voient s'atténuer les frontières idéologiques entre droite et gauche telles qu'elles apparaissent dans les politiques économiques.

 

Prenons l'exemple des nationalisations/privatisations. Les seules nationalisations sont accomplies au tout début du premier mandat de François Mitterand (voir plus haut dans ce cour). Les premières privatisations (vente totale ou partielle d'entreprises appartenant à l'Etat) ont lieu en 1986, quand Chirac est Premier ministre (première cohabitation). Ensuite, tous les gouvernements, de droite ou de gauche, poursuivront ces privatisations. Cela s'explique par la volonté de réduire les dépenses publiques. La conséquence est que le nombre de sociétés détenues par l'Etat est divisé par plus de 2 entre 1985 et 2013.  

 

Aujourd'hui, un des principaux reproches qui sont faits au mandat de François Hollande (PS) depuis 2012 est qu'il mène une politique économique "de droite". C'est le cas en 2016 pour le projet de réforme du droit du travail plus avantageuse pour les entreprises et moins favorable aux salariés. 

 

Les lignes de fracture entre gauche et droite se sont déplacées sur d'autres terrains:

-Le premier est celui du contrôle de l'immigration, notamment clandestine. Un des principaux réquisitoires menés par la gauche contre Nicolas Sarkozy (droite, président de 2007-2012) porte sur la brutalité de sa politique de reconduite des clandestins à la frontière.

-Le second est celui des questions morales: sous le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, l'adoption du PACS (Pacte civil de solidarité), interprété comme un pseudo-mariage homosexuel, fait scandale à droite. Plus récemment, l'adoption de la loi sur le mariage homosexuel oppose très fortement, au début du mandat de François Hollande, la droite et la gauche.

-Le troisième est celui de la question de l'identité nationale: la droite (en particulier sous le mandat de Nicolas Sarkozy) tend à insister fortement sur la nécessité pour les étrangers de s'adapter et de s'intégrer, tandis que la gauche (même si elle est divisée sur ce point), tend à avoir un discours plus favorable aux différences culturelles. La "question du voile" refait régulièrement surface.

-Enfin, la question de la sécurité (face à la délinquance urbaine ou au terrorisme) fait l'objet de surenchères entre la droite et la gauche, à qui "protègera" le mieux les Français.

 

Il faut bien remarquer une chose: en dehors des questions de morale (mariage homosexuel et PACS), ces débats sont peu tranchés, la gauche comme la droite s'accusant mutuellement de ne jamais en faire assez.

Crise de la représentativité

L'atténuation des frontières gauche/droite tend à favoriser la montée des comportements politiques qu'on peut qualifier de déviants (voir Glossaire) : une partie de plus en plus importante des électeurs refuse les règles du jeu politique et dénonce l'absence d'un véritable choix. Le Front national va jusqu'à dénoncer ce qu'il appelle "le système UMPS", c'est-à-dire le fait que l'UMP (principal parti de droite) et le PS (principal parti de gauche) se valent en réalité et que les hommes politiques qui en font partie protègent leurs propres intérêts au lieu de se préoccuper des intérêts des électeurs.

 

Le Front national, parti fondé dans les années 1970, devient un acteur important du paysage politique en 1986. Ce parti d'extrême droite, qui amalgame (=mélange dans son discours) la corruption politique, le refus de l'immigration et le refus de la CEE (ancêtre de l'Union européenne) envoie cette année là 35 députés à l'Assemblée nationale. Les électeurs du Front national sont les déçus du bipartisme dominant : ils ne se sentent plus représentés par les hommes politiques.

 

En 2002, le Front national arrive à envoyer son candidat, Jean-Marie Le Pen, au second tour de l'élection présidentielle. Plus récemment, les élections locales (départementales, régionales) ont vu des scores élevés du FN au premier tour, mais plus décevants au second tour (voir notamment "Elections départementales, 2nd et "3è" tours", 01/04/2015, sur ce site). Cela s'explique par deux facteurs:

-Le vote FN est avant tout un vote protestataire (il est un avertissement envoyé aux partis traditionnels) et non un véritable choix électoral.

-Les seconds tours d'élection voient généralement une mobilisation des acteurs politiques traditionnels pour "faire barrage" au FN.

 

La montée de l'abstention est l'autre traduction de la crise de la représentativité. L'abstention désigne le fait de ne pas voter alors qu'on est inscrit sur les listes électorales. Elle est en constante augmentation depuis les années 1980, dépassant les 50% dans certaines élections. Les scrutins qui mobilisent le moins les Français sont ceux qui leur semblent éloignés de leurs préoccupations: référendum de réforme des institutions (7 électeurs sur 10 ne se sont pas déplacés en 2000 pour le référendum sur le quinquennat), élections européennes (6 électeurs sur 10 n'ont pas voté aux européennes de 2009), élections des conseils régionaux et départementaux, dont beaucoup de Français connaissent très mal le rôle. Les élections qui mobilisent le plus sont les présidentielles (perçues comme très importantes) et les municipales (perçues comme des scrutins qui ont des conséquences fortes sur la vie locale).

 

Mais même les élections présidentielles connaissent des taux d'abstention importants depuis une quinzaine d'années. L'élection présidentielle de 2002 est particulièrement révélatrice de la crise de représentativité:

-Le taux d'abstention est supérieur à 35 %.

-Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national se qualifie pour le second tour, devant le candidat socialiste (Premier ministre sortant) Lionnel Jospin. 

Pour faire votre fiche de révision:

-Méthode ici.

-Faites la liste des présidents de la République, avec les dates de leur mandat et leur bord politique (droite-gauche).

-Soyez attentif aux définitions suivantes: constitution, régime parlementaire, présidentialisation, bipolarisation de la vie politique, cohabitation, alternance, abstention, crise de la représentativité.


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