Catalogue d'expo

Cécile Colonna, De rouge et de noir. Les vases grecs de la collection de Luynes, Paris, Gourcuff Gardenigo, 2013, 127 p., 29 euros

 

 

 

 

Sur le vernis noir d'une amphore de Nola se détache la silhouette rouge d'un cavalier armé d'une lance et vêtu d'une ample cape ourlée de noir. Le mouvement et la puissance musculaire de sa monture cabrée ne sont pas sans rappeler l'une des plus grandes réalisations du siècle d'or athénien: les cavaliers de la frise du Parthénon. Mais ici, rien de monumental. C'est par la décoration des objets, rituels ou du quotidien, que nous sommes transportés dans les modes de représentation figurée qui avaient cours en Grèce dans l'Antiquité.

 

Photo Nada Chaar (2015)

La BNF Richelieu a organisé, du 29 octobre 2013 au 4 janvier 2015, au Musée de monnaies, médailles et antiques, une exposition consacrée à la collection de vases grecs du duc de Luynes (1802-1867). Ce dernier, aristocrate chercheur, voyageur, polyglotte et grand collectionneur, est un des fondateurs de l'archéologie moderne.

 

La plupart des vases de sa collection, dont il a fait don au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale, sont issus des fouilles italiennes de Vulci, Nola, Cumes et siciliennes. Ces vases, pour la plupart produits par des ateliers athéniens aux VIè et Vè s., avant de traverser la Méditerranée, ont été choisis par le duc pour la finesse de leur réalisation et pour leurs sujets: scènes contemplatives, thèmes centrés sur la poursuite amoureuse, mythes, jeux et combats. Lorsqu'il constitue sa collection, le duc de Luynes, qui se fie principalement à son sens esthétique, ne connaît pas l'origine des vases, établie à une date très récente. Ces vases étaient pour lui des classiques: des oeuvres à la fois uniques et dignes d'être imitées. C'est d'ailleurs pour cela qu'il ouvre sa collection à la visite et la publie. Il tente même de reproduire, avec un succès relatif, le vernis noir inaltérable des vases attiques.

 

Sa collection de 86 vases, la plupart dans un excellent état de conservation, est un véritable joyau, à la fois par la finesse des scènes figurées et de l'ornementation et par la minutie du détail dans la représentation de la vie quotidienne. Peu de vases montrent en fait la vie des hommes et des femmes à proprement parler: une scène au gynécée (partie de la maison réservée au femmes), quelques scènes représentant des libations (pratique religieuse consistant à verser un liquide en l'honneur des dieux) et de rencontre amoureuse, une scène d'enterrement. Mais les nombreuses scènes mythologiques et religieuses, déclinant tout l'éventail des thèmes de la vie des hommes, de la poursuite amoureuse au combat sanglant en passant par les rencontres les plus improbables (brigand sanguinaire ou monstre à trois têtes), nous documentent sur le vêtement et sur le monde des objets (contenants divers, servant aux libations ou à la boisson, instruments de musique, armes). 


L'ouvrage de Cécile Colonna restitue, pour chacun des vases, le sens des différentes scènes dans leur moindre détail tout en les replaçant dans une évolution stylistique, et dans un contexte culturel et historique. On appréciera le glossaire des formes de vases, mais aussi, dans l'introduction, le lexique sommaire du vêtement. Mais c'est surtout la finesse extraordinaire de la représentation qui marquera le plus le lecteur. Que votre préférence aille au mystère des figures noires et à la finesse des incisions qui en font le détail ou à la simplicité et la pureté des figures rouges, au maniérisme un peu figé des vases du VIè s. ou au réalisme paradoxalement plus hiératique des vases de l'époque classique, vous serez touchés par la profonde humanité de ces témoignages exceptionnels du passé.  

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