La IIIè République. Article évolutif

Le monument de la place de la République, est réalisé par Léopold et Charles Morice en 1883. La place, initialement appelée place du Château d'Eau, ne prend son nom actuel qu'en 1889. Ce monument marque à Paris l'enracinement dans les années 1880 du régime républicain.  La description du monument est disponible sur Wikipedia.

Image: Léopold Morice/Wikimedia [CC BY SA 3.0]

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Léon Gambetta, s'appuyant sur un mouvement populaire en province et à Paris, proclame la IIIè République en septembre 1870 dans un contexte difficile: la France est en guerre contre la Prusse. Vaincu à Sedan, l'empereur Napoléon III a été capturé par les Allemands.

Le nouveau régime s'impose néanmoins dans la durée, puisque seuls l'invasion allemande et le vote au maréchal Pétain des pleins pouvoirs le verront tomber en juillet 1940.

C'est la première fois qu'un régime républicain appuyé sur le suffrage universel masculin dure aussi longtemps. La Iè République, proclamée en 1792, n'a jamais vu sa constitution appliquée en raison de l'épisode de la Terreur. La seconde République, proclamée en 1848, est renversée dès 1852 par le coup d'Etat de Napoléon III, qui met en place le Second Empire.

La IIIè République met en place les fondements de la démocratie politique (multipartisme, libertés et droits fondamentaux) et sociale (premières législations du travail et protections sociales, élargissement de l'accès à l'instruction, à la culture, aux loisirs) en France. Ce régime est néanmoins fragile: imposant l'héritage de la Révolution française face à l'hostilité de la droite catholique et autoritaire, il doit aussi affronter les transformations économiques et sociales de l'âge industriel.

Un régime à la légitimité fragile

Né pendant la guerre contre la Prusse, le régime doit affronter, tout au long de son existence, une triple menace.

La première est celle, héritée des conflits de la Révolution française, d'une droite catholique (et donc opposée à la liberté de conscience et de culte proclamée par la Révolution française) et royaliste (donc opposée à l'idée même d'un régime républicain).

La seconde, en partie héritée du bonapartisme, est celle d'une droite autoritaire (opposée à la démocratie parlementaire, partisane d'un exécutif fort).

La droite, catholique et bonapartiste, prend une coloration nationaliste et antisémite de plus en plus évidente, en particulier lors de l'affaire Dreyfus (1894-1906).

La troisième est liée aux transformations sociales de l'âge industriel et au développement du mouvement ouvrier international d'inspiration marxiste ou libertaire.


Un régime qui ne s'installe véritablement qu'au début des années 1880

La république peine jusqu'à la fin des années 1870 pour imposer sa légitimité:

-Elle est née d'une défaite. Paris est assiégé. Début 1871, l'armistice, puis le traité de Versailles, consacrent la perte de l'Alsace-Lorraine et condamnent la France à payer de lourdes indemnités à l'Allemagne tout en obligeant le gouvernement provisoire à organiser des élections. Celles-ci, avec la participation de moins de la moitié des français, donnent la majorité à la droite royaliste et bonapartiste, favorables à la paix. Les habitants des campagnes ont voté pour la paix plus que pour la forme du régime. Paris, lorsque le gouvernement, présidé par un républicain très modéré, A. Thiers (ancien ministre du roi Louis-Philippe), également favorable à la paix, l'oblige à désarmer, s'insurge. C'est l'épisode de la Commune de Paris (mars-mai 1871), réprimée dans le sang par ceux que les communards appellent les Versaillais.

-Considéré comme provisoire par une droite monarchiste qui n'abandonne pas son projet de restauration monarchique (rétablissement de la monarchie), c'est seulement en 1875 que le régime se dote, en guise de constitution, de trois simples lois constitutionnelles.

-C'est seulement la crise institutionnelle de mai 1877 qui impose clairement, par les urnes, la légitimité du régime. Le président royaliste Mac Mahon ayant dissout une assemblée majoritairement républicaine, doit affronter une nouvelle chambre républicaine élue en 1877 et en 1879, une très nette victoire républicaine aux élections municipales. Sa démission puis l'élection du républicain modéré Jules Grévy à la fonction présidentielle marquent l'implantation définitive du régime.


Menaces à droite...

A droite, la menace est double. Politique (voir Glossaire), elle renvoie à une volonté de mettre fin à la démocratie parlementaire. Culturelle (voir Glossaire), elle fait référence au refus par la droite antirépublicaine de la sécularisation (voir Glossaire) héritée de la Révolution française.


-Contre la menace culturelle que représentent les congrégations (institutions catholiques appartenant principalement au clergé régulier (voir Glossaire), qui ont un contrôle important sur l'éducation et sur les soins aux malades, les républicains opportunistes, qui sont au pouvoir à partir des années 1880, prennent deux types de mesures. En 1880, les jésuites (représentant plus de 5500 personnes) sont expulsés et les autres congrégations sont obligées, pour pouvoir rester sur le territoire, de demander une autorisation dans un délai d'un mois. De nombreuses congrégations, qui refusent, par solidarité avec les jésuites, de demander l'autorisation, sont expulsées à leur tour. Par ailleurs, la République prend le contrôle de l'instruction des enfants, en instaurant, en 1881 et 1882, l'école primaire publique (dépendant de l’État) gratuite, obligatoire de 6 à 13 ans et laïque (seuls des laïcs -voir Glossaire -  sont autorisés à y enseigner). 

Pour approfondir:

Sénat, "Les Lois scolaires de Jules Ferry", Dossiers d'histoire.

Institut français de l'éducation, "Lois scolaires".


-La droite continue malgré tout à représenter une menace politique. Une partie des catholiques finit par prendre acte de l'enracinement du régime républicain et par suivre la stratégie du ralliement prônée par le pape Léon XIII à partir de 1892. Cela signifie que désormais les catholiques peuvent s'investir pleinement dans la vie politique et donne lieu à un renforcement de la droite républicaine, qui reçoit le renfort d'une nouvelle tendance, la démocratie chrétienne.


-Mais une nouvelle droite s'affirme autour de thèmes nouveaux, dans lesquels la religion n'est pas centrale. Antiparlementaire, elle dénonce à la fois le régime républicain et la faiblesse du pouvoir exécutif. La crise boulangiste (1887-1889), même si, malgré les incitations de ses partisans, le Général Boulanger renonce à faire un coup d’État, est une illustration de cette droite antiparlementaire et de la manière dont elle s'attache à déstabiliser le régime républicain. L'affaire Dreyfus (1894-1906) illustre quant à elle la réappropriation par une droite autoritaire et antisémite, qui s'appuie sur le développement de la presse de masse, du patriotisme républicain transformé en nationalisme agressif et xénophobe. La journée d'émeutes du 6 février 1934 illustre la pérennité de cette droite nationaliste antirépublicaine, qui, dans un contexte de crise économique des années 1930, trouve à s'enraciner dans certaines associations d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale (appelées ligues) qui ajoutent désormais à leur répertoire l'anticommunisme et subissent des influences fascistes.

Pour approfondir:

"Georges Boulanger", Wikipedia.

Romainducolombier, "Le 6 février 1934 n'est nullement un coup d'Etat fasciste". Une interviex de l'historien Olivier Dard", 06/02/2014.

Vidéo: "La manifestation antiparlementaire du 6 février 2014", sur le site de l'Ina.

BNF, "La montée des ligues d'extrême droite en France, bibliographie", septembre 2014.

Hermine Videau, "Le 6 février 1934", L'Histoire par l'image.

Vidéo de la cérémonie de commémoration de l'affaire Dreyfus au Panthéon, sur le site de l'INA.

Vidéo "Zola, J'accuse", sur le site de l'INA.

Site web Affaire Dreyfus.com: documents, photographies, chronologie.


...et à gauche.

A sa gauche, la République doit affronter la menace d'une gauche anti-républicaine qui se développe, à l'âge industriel, en lien avec le mouvement ouvrier. On peut, pour simplifier, diviser cette gauche en marxiste (subissant l'influence du philosophe et théoricien Karl Marx) et en libertaire (subissant l'influence de penseurs tels que Proudhon, Bakounine ou Kropotkine).

-Du côté marxiste, la principale force de gauche révolutionnaire et donc antirépublicaine est le Parti Ouvrier de France de Jules Guesde, créé en 1882. Il se fond en 1905 dans la SFIO (Section Française de l'Internationale ouvrière de Jean Jaurès). Cette gauche révolutionnaire est affaiblie au début du XXè s., car la SFIO, dominée par Jean Jaurès, entend instaurer le communisme par la voie du suffrage universel. Elle n'est donc pas anti-républicaine. Mais le relais est pris en 1920 par le PCF (Parti Communiste français), qui, au congrès de Tours de la SFIO, décide de rejoindre l'Internationale communiste créée par Lénine en 1919.

-Du côté libertaire, la France doit affronter dans les années 1890 la menace anarchiste, sous la forme d'attentats (contre la chambre des députés en 1993, assassinat du président Sadi Carnot en 1894) .  


L'école, lieu d'acculturation des Français à la République patriotique

L'école devient l'instrument principal de la sécularisation (voir Glossaire) des mentalités en devenant le lieu d'inculcation aux enfants de l'idéologie républicaine, héritée de la Révolution française.

Le Tour de France par deux enfants, manuel de lecture pour les élèves du cours moyen de G. Bruno (pseudonyme masculin d'Augustine Fouillée), paru en 1877, réédité plus de 400 fois et utilisé jusqu'aux années 1950, illustre bien le type de contenus transmis aux élèves. Dans la préface, l'auteur explicite son intention: rendre la patrie visible et vivante aux yeux des enfants, à travers la diversité de son territoire, envisagé à la fois en termes de patrimoine naturel et culturel, de richesse et de diversité humaine. Deux frère, André et Julien, âgés de 14 et 7 ans, devenus orphelins, quittent la ville de Phalsbourg dans la Lorraine prise par les Allemands en 1870, par la porte de France, pour visiter leur patrie. Leur voyage les mène tout autour de la France, en passant par la bordure Est du massif Central puis par les côtés.

L'activité des hommes est soulignée sous deux grandes formes. Économique d'abord, avec l'exploitation industrielle (en plein développement), artisanale et agricole (dans ses traditions et sa modernisation) des richesses de la patrie. Culturelle ensuite, avec la mise en avant des grands hommes du passé, religieux, hommes de science et penseurs de l'époque des Lumières.

Les contenus, destinés à servir à la fois aux leçons de géographie, d'histoire, de choses (l'ancêtre des sciences et vie de la terre), d'instruction civique et de morale, sont très chargés idéologiquement (voir Glossaire). En même temps que les enfants sont invités à identifier leur patrie comme une grande puissance industrielle, ils sont conviés à la découverte de ses diversités, conçues comme les parties inséparables d'un tout. Des dolmens gaulois aux usines du Creusot, de Vercingetorix à Montesquieu en passant par Saint Bernard, des mineurs Lorrains aux fondeurs du Creusot en passant par les garçons fromagers du Jura, tout est orienté vers la glorification de la patrie.

Quand au bon citoyen, celui que les enfants doivent s'efforcer de devenir, il est avant tout un homme civilisé et bon: la morale est en effet omniprésente. Elle commence par la solidarité familiale et la piété filiale.Cette morale, pour laïque que soit l'école de la République, est une morale religieuse d'inspiration déiste. Les enfants n'hésitent pas à s'adresser à Dieu pour le remercier ou pour exprimer leur détresse.

Tout en apportant aux enfants une culture historique, géographique, scientifique et technique relativement variée et riche, le Tour de France est donc aussi un manuel d'édification qui illustre bien le rôle de l'école comme lieu d'une unification des manières de voir, de vivre, de faire. Il est un monument d'unité nationale dans une France où les habitants des campagnes, encore majoritaires, vivent dans un monde souvent limité à leur patois (parler local), à leurs traditions et à leur "pays" (portion du territoire dans laquelle sont circonscrits leurs déplacements et horizons mentaux).

 

Pour lire l'histoire d'André et de Julien:

Le texte de l'édition de 1889, sur Gallica présente un faible confort de lecture. Préférez le texte, comprenant les illustrations, de l'édition intégrale de 1904 sur Wikisource.


Apporter la civilisation au monde

La France, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, est à la tête du second empire colonial, derrière le Royaume Uni, avec plus de 100 millions d'habitants et près de 13 millions de kilomètres carrés métropole incluse. Principalement africain, l'empire colonial français se prolonge en Asie par des mandats dans le Proche-Orient et par la possession de la péninsule indochinoise. Cliquez pour voir une carte interactive des empires coloniaux européens en 1914 sur le site de FranceTV Éducation.


Cet empire est principalement l’œuvre de la République et particulièrement des Opportunistes, qui dominent la vie politique des années 1880 au début du XXè s. Jules Ferry a particulièrement contribué à la politique coloniale française, en donnant l'impulsion à la conquête de la péninsule indochinoise malgré les revers et l'opposition forte des autres formations politiques, de gauche comme de droite. 

Son discours du 28 juillet 1885 (cliquez ici pour le lire sur le site de l'Assemblée nationale) reste aujourd'hui un monument de l'histoire coloniale française. Jules Ferry y présente la colonisation comme un système politique, économique et culturel qui tire ses fondements de deux réalités: l'élargissement du cercle des échanges dans un contexte d'industrialisation et l'existence d'une inégalité entre des civilisations supérieures (la civilisation blanche) et inférieures (les autres civilisations). Face à l'opposition de la gauche radicale surtout, qui insiste sur les droits et libertés des individus et celle de la droite, catholique monarchiste et bonapartiste, qui insiste sur la liberté du commerce, les arguments de Ferry sont de quatre ordres.

-Économiquement (voir Glossaire), face à la montée de nouvelles puissances industrielles telles que l'Allemagne et les États-Unis, la France n'a d'autre choix que d'élargir ses débouchés commerciaux en s'appropriant de nouveaux territoires destinés à devenir de nouveaux marchés (voir Glossaire).

-Culturellement (voir Glossaire), la France doit aux civilisations inférieures de leur apporter la civilisation: les droits de l'homme, mais aussi les routes, la sécurité, l'accès aux soins, comme l'a fait le Royaume Uni en Inde.

-Du point de vue géopolitique, la conférence de Berlin (novembre 1884-février 1885), qui s'est achevée quelques mois plus tôt, a mis en place les règles du partage de l'Afrique entre les puissances européennes. La France, quand les autres grandes puissances se bâtissent un empire colonial, ne peut se maintenir à l'écart.

-Enfin, d'un point de vue politique, l'enjeu est celui de satisfaire les électeurs. La France, comme les autres pays d'Europe, traverse une crise économique, appelée Grande dépression, qui dure de 1873 à 1896. C'est une crise de surproduction agricole et industrielle, qui amène les grandes puissances économiques à protéger leur marché (voir Glossaire) de la concurrence extérieure par une politique protectionniste (voir Glossaire), qui passe notamment par l'élévation des taxes douanières. En effet, la difficulté à écouler la production agricole et industrielle se traduit par une diminution des revenus de la paysannerie et par le chômage industriel qui rend urgente la recherche de nouveaux débouchés. Cet enjeu électoral est crucial pour les Opportunistes. Malgré l'hostilité générale pour le projet colonial après un revers en Indochine qui vaut en mars 1885 à Jules Ferry le surnom de Ferry-Tonkin, ce dernier sait que l'électorat républicain électorat est principalement populaire: les couches moyennes et supérieures de la paysannerie, particulièrement touchées par la crise des exportations françaises.


Documents:

-Carte interactive des empire coloniaux européens en 1914 sur le site de  FranceTV Education.

-Assemblée nationale, "Jules Ferry (1885), les fondements de la politique coloniale (28 juillet 1885)".


Durcissement des relations avec l'Eglise et séparation de l'Eglise et de l'Etat

A venir.

Mais en attendant, deux vidéos portant sur le maintien, malgré la séparation de l'Eglise et de l'Etat en 1905, du concordat en Alsace-Moselle, occupées par les Allemands jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale.

Elles montrent, par la négative, que la laïcité, considérée comme une évidence par les Français, est bien une construction historique. 

De la démocratie politique à la démocratie sociale

A venir.

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